2006 : un monument pour la paix
Depuis quelques années, la commémoration du 17 septembre associe représentants villefranchois, croates et bosniens, en particulier la mairie de Villefranche, les ambassades de ces deux pays, les organisations d’anciens combattants et les associations des Croates de France. C’est dans ce contexte qu’un accord au niveau des gouvernements français, croate et bosnien a abouti à l’aménagement d’un nouveau parc mémorial en 2006.
A l’occasion de son inauguration, le ministre français des affaires étrangères a rappelé que « les événements du 17 septembre 1943 constituent un exemple inédit de révolte contre l’occupant nazi. Inédit parce que la mutinerie de Villefranche-de-Rouergue fut la première rébellion armée de cette ampleur au sein même d’une unité de la Waffen‑SS. Inédit aussi, et surtout, parce que cette révolte fut conduite par de jeunes Croates et Bosniaques, enrôlés de force à l’été 1943 (…). Inédit enfin car pendant quelques heures, grâce à l’action courageuse de ces mutins, Villefranche-de-Rouergue fut, en quelque sorte, une ville libérée dans une France alors occupée. »
Qui étaient les révoltés ?
Quoique se disant eux-mêmes croates, les révoltés étaient originaires de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, celle-ci étant, durant la Seconde guerre mondiale, intégrée dans l' »État indépendant de Croatie », instauré sous la tutelle des puissances de l’Axe.
Selon leur état civil, ils se partageaient en « Croates catholiques » (ou Croates) et « Croates musulmans » (ou Bosniaques, selon la terminologie actuelle).
Les meneurs de la Révolte
Nikola Vukelić (né en 1924 à Gospić, Croatie), torturé et fusillé à Villefranche.
Ferid Džanić (né en 1918 à Bihać, Bosnie-Herzégovine), mort au combat.
Eduard Matutinović (né en 1923 à Vinkovci, Croatie), gagna le maquis français puis rejoignit, en Croatie, la 9ème brigade dalmate des partisans.
Luftija Dizdarević (né en 1921 à Sarajevo, Bosnie-Herzégovine), mort au combat.
Božo Jelenek (né en 1920 à Kutina, Croatie) fut sauvé par une famille Villefranchoise qui l’a abrité plusieurs jours et lui permit de rejoindre le maquis. Après avoir regagné la Croatie en 1945, il devint commandant de bataillon au 8e Corps des Partisans.
Principal acteur survivant de la révolte, Jelenek consigna ses mémoires et participa chaque année, à partir des années soixante, aux commémorations à Villefranche, et ce jusqu’à sa mort, en 1987.
Les liens avec la Résistance
Parmi les survivants de la révolte, plusieurs sont parvenus à rejoindre le maquis.
Au printemps 1944, l’un d’entre eux, Božo Jelenek, participa comme lieutenant des FFI, sous le pseudonyme de Léopold, aux opérations du Corps franc de la Montagne Noire.
Les révoltés étaient également en contact avec d’autres Croates engagés dans la Résistance française. Parmi ceux-là, Ljubomir Ilić (Ilitch), dit Conti, fut membre du Comité militaire national de la Libération, commandant des FTP-MOI de la Zone Sud et général des FFI commandant de toutes les unités des immigrants.
Le monument de Vanja Radauš
En mémoire de ce soulèvement, Vanja Radauš (1906-1975), célèbre sculpteur et résistant croate, réalisa en 1952 un monument de pierre animé de deux groupes de figures en bronze grandeur nature ; chaque groupe représente deux hommes nus, tombant sous les balles. En outre, sur le tombeau des jeunes martyrs, la mère patrie pleure ses fils.
Contrairement au vœu de son auteur, ce monument ne fut pas offert à Villefranche, mais intégré en 1955 dans un monument de la Libération situé dans le parc central de la ville de Pula (Croatie).
En 2006, le gouvernement croate offre ce monument à la commune de Villefranche, selon le vœu initial de son auteur.
Le mémorial
Aménagé sur le site du Champ des Martyrs croates, le parc du mémorial s’organise autour d’un axe monumental complété par une promenade plantée d’arbres.
L’axe monumental traverse la place des Révoltés, où sont disposées les sculptures des fusillés, pour aboutir à la place des Martyrs, aménagée sur leur tombeau, autour de la figure de la mère patrie, éplorée.
L’allée arborée est bordée de ginkgos (ginkgo biloba). Symbole de résistance et de longévité, il s’agit de l’arbre le plus ancien sur terre et du premier à avoir repoussé à Hiroshima.
Le monument est symboliquement orné des drapeaux croate, bosnien, français et européen.
A l’emplacement du tombeau s’élevait auparavant un monument provisoire, érigé en 1950, et dont la stèle est conservée au musée municipal.
Inauguration officielle
Mémorial inauguré le 17 septembre 2006 par :
M. Serge Roques, député-maire de Villefranche
M. Jean Puech, sénateur et président du Conseil général de l’Aveyron
M. Philippe Douste-Blazy, ministre français des Affaires étrangères
M. Ivo Sanader, Premier ministre de Croatie
Ont adressé un message
M. Martin Malvy, président du Conseil régional de Midi-Pyrénées (représenté par Mme Marie-Lou Marcel)
M. Sulejman Tihić, président de la présidence de Bosnie-Herzégovine (représenté par Mme Željana Zovko, ambassadeur de Bosnie-Herzégovine en France)
Conception, réalisation et financement
Initiateurs
Gouvernement français
Gouvernement croate
Conseil général de l’Aveyron
Commune de Villefranche-de-Rouergue
Maître d’ouvrage
Mairie de Villefranche-de-Rouergue
Architecte
Ivan Prtenjak
Paysagiste
Patrice Causse
Maîtrise d’œuvre
Services techniques municipaux
Financement
Aménagement du site :
Commune de Villefranche-de-Rouergue
Conseil général de l’Aveyron
Conseil régional de Midi-Pyrénées
Gouvernement français
Sculptures et stèles
Ministère de la Culture de la République de Croatie
Auteur de ce texte : Zvonimir FRKA-PETESIĆ
(ex-Ambassadeur de Croatie au Maroc devenu Chef du Cabinet du 1er Ministre)