Association CROATIE-OCCITANIE
L’Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance cesse d’organiser la commémoration (1998)

L’Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance cesse d’organiser la commémoration (1998)

En 1998, est publié le livre « Les Révoltés de Villefranche » de Mirko D. Grmek et Louise L. Lambrichs (Éditions Seuil, Paris, 1998). Grâce aux documents issus des archives françaises, allemandes, croates, bosniaques, serbes et américaines, les auteurs apportent un nouvel éclairage sur cette mutinerie.
La même année (est-ce un hasard ?) l’Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance (ANACR) fait savoir dans la presse qu’elle cesse d’organiser et de participer à cette cérémonie, jugeant que finalement, « la Résistance… n’a pas été impliquée dans ce soulèvement ».
Notre association prend alors l’initiative d’organiser la commémoration avec la même organisation que les années précédentes : dépôt de gerbes, diffusion du « Chant des Partisans » et aucune prise de parole.
En réponse à notre proposition, l’ANACR fait savoir à la rédaction de La Dépêche du Midi que le « Chant des Partisans » est un hymne officiel de notre pays, symbole de la Résistance de la France et que, en conséquence, elle pense injustifiable que nous la diffusions lors de la commémoration organisée par nos soins.
Pour mettre fin à toute polémique, et bien que nous pensions que ce chant n’est la propriété de personne, nous décidons de supprimer cette partie de la cérémonie.
Cette même année, nous apprenons que la municipalité ne sera pas représentée au motif que « la cérémonie n’est pas organisée par une association locale ».
Après la commémoration, le ministre-conseiller de l’Ambassade de Croatie, Filip VUČAK , précisera aux journalistes présents que son pays ne revendique pas l’héritage historique de la mutinerie et qu’il accepterait tout à fait le principe d’une cérémonie commune avec ses homologues bosniaques.

Voir page VILLEFRANCHE DE ROUERGUE / RÉVOLTE DES CROATES

Article du Villefranchois du 25/09/1998 : Révolte de Villefranche, pourquoi tant de prudence ?

 

11 et 12 avril 1992 et 17 septembre 1992 : premiers contacts avec Villefranche de Rouergue

11 et 12 avril 1992 et 17 septembre 1992 : premiers contacts avec Villefranche de Rouergue

Les 11 au 12 avril 1992 ont lieu les « Rencontres croates » à Villefranche-de-Rouergue. L’association participe à cette manifestation avec d’autres associations du Languedoc-Roussillon, dont celle de Montpellier représentée par Božidar PINEK. Pourquoi à Villefranche ? Tout simplement parce que cette ville a été le lieu, le 17 septembre 1943, du massacre de jeunes soldats croates et bosniaques enrôlés de force par l’armée allemande et qui se sont révoltés contre les officiers nazis. Les photos qui ont été exposées à Toulouse le mois précédent sont accrochées sur les murs de l’ancienne mairie. Dans ce lieu symbolique, plusieurs intervenants expliqueront les événements passés, s’interrogeront  sur la situation contemporaine, sur l’avenir de l’Europe, sur le futur des identités et des institutions. Ce furent des journées riches, en présence de nombreux villefranchois et croates de France, qui ont marqué le début d’un partenariat entre la ville de Villefranche-de-Rouergue et notre association.

Le 17 septembre 1992, l’association participe pour la 1ère fois à la commémoration de la Révolte des Croates à Villefranche-de-Rouergue. Elle y participera dorénavant chaque année.

 

Une polémique autour d’un timbre en 1994

Une polémique autour d’un timbre en 1994

À l’occasion du cinquantième anniversaire de la Révolte des Croates et à l’initiative de deux membres fondateurs du CRICCF, Slavko GRBIZ et Marinko FRKA-PETESIC, l’administration croate a publié un timbre commémorant l’insurrection.

L’association des anciens combattants n’apprécie pas cette action et le fait largement savoir dans la presse. Pour eux, le document qui accompagne l’édition de ce timbre présente les évènements de façon éhontée.

Article de La Dépêche du Midi du 8/04/1994

Cinquantième anniversaire de la commémoration du 17 septembre 1943 (1993)

Cinquantième anniversaire de la commémoration du 17 septembre 1943 (1993)

Notre groupe s’associe pour la 2ème fois à la commémoration de la Révolte des Croates qui a lieu chaque année le 17 septembre. La cérémonie est organisée chaque année par l’Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance. Le cérémonial est immuable : dépôt de gerbes, diffusion du « Chant des Partisans » et aucune prise de parole. Voir l’article de La Dépêche du 19/09/1993 (ici).

Les représentants de la Croatie cette année sont l’Ambassadeur Branko SALAJ et Zvonimir KOMARICA, figure emblématique de la résistance croate. Les anciens combattants sont représentés par MM. Jean THOUVENIN et Louis ÉRIGNAC.
Après la cérémonie, nous pourrons échanger cordialement avec M. ÉRIGNAC, témoin des évènements de l’époque et auteur du livre, La révolte des Croates de Villefranche-de-Rouergue, édité par l’auteur en 1980 et ré-édité en 1988.

Rappelons qui est Louis ÉRIGNAC. Né en 1910 et mort en 1998. Il fut professeur de philosophie, résistant sous le pseudonyme de Lieutenant Vallès, militant communiste de l’Aveyron et conseiller municipal de Villefranche de Rouergue sur la liste d’union de la gauche en 1977 conduite par Robert Fabre.

En 1993, le monument comprend encore une plaque blanche sur laquelle figure une étoile rouge (symbole du communiste et du socialiste) ainsi que le texte suivant : « Ici reposent les combattants yougoslaves qui tombèrent loin de leur patrie sous les balles de l’ennemi nazi à la suite de l’insurrection de Villefranche-de-Rouergue du 17 septembre 1943 ».

Selon le livre de Louis ÉRIGNAC, ce monument a été « érigé par les soins du gouvernement yougoslave » et il a été inauguré en présence de plusieurs autorités yougoslaves le 8 octobre 1950.

Dans un article de La Dépêche du 16/09/1993 (cliquer ici)  le journaliste s’interroge sur la nationalité des victimes. Dans son livre, Louis ÉRIGNAC précisait dans un avertissement au lecteur que lorsqu’il était dit « Croate », il fallait penser « Yougoslave ».

On sait aujourd’hui (maintenant que les archives de cette époque sont accessibles) que les insurgés étaient originaires de Tuzla (Bosnie-Herzégovine) parmi lesquels se trouvaient des bosniaques de confession musulmane et des croates de confession catholique, ainsi que de Zagreb et d’autres villes de Croatie, ceux-là quasi uniquement de confession catholique. La région de Tuzla, au moment de la 2ème guerre mondiale était intégrée à la Croatie, c’est pourquoi on parle toujours de la Révolte des Croates.

Qu’appelle-t-on la « Révolte des Croates » ?

Qu’appelle-t-on la « Révolte des Croates » ?

Dès 1940, l’armée allemande occupe la moitié nord de la France et à partir du 11 novembre 1942, elle se déploie également dans la moitié sud. A l’automne 1943, la Résistance française est active, bien que les maquis n’y soient pas encore organisés militairement. En outre, les divisions d’Hitler avaient envahi la Yougoslavie en avril 1941 et, en 1943, des milliers de jeunes gens originaires de Croatie et de Bosnie sont enrôlés de force dans les Waffen‑SS. Les razzias s’appliquant aux hommes nés entre 1917 et 1925, la plupart d’entre eux n’ont guère plus de vingt ans.

C’est ainsi que début août 1943 s’installe à Villefranche-de-Rouergue le 13ème bataillon de la 13ème division des Waffen‑SS, composé d’environ 700 pionniers originaires de Croatie et de Bosnie-Herzégovine. Ceux-ci sont encadrés par des SS allemands chargés d’y réaliser des manœuvres d’entraînement. Redoutant un débarquement allié, notamment dans le sud de la France, Berlin y renforce, en effet, son dispositif militaire.

Le poste de commandement allemand est installé à l’école primaire supérieure, à l’emplacement de l’actuel lycée. Les sous-officiers et les soldats sont logés au collège et dans les écoles primaires. Quant aux officiers, ils occupent l’hôtel Moderne, sur la promenade du Guiraudet.

Très vite, la population villefranchoise s’émeut des mauvais traitements infligés à ces jeunes « malgré-nous » par les officiers et les sous-officiers allemands. Certains Villefranchois en sont eux-mêmes victimes. Avivée par ces sévices, l’idée d’une révolte fait son chemin parmi les jeunes recrues. Décidés à regagner leur liberté, les meneurs des conjurés prennent même contact avec la Résistance française.

Néanmoins, de crainte d’être découverts, les mutins sont, semble-t-il, conduits à précipiter leur action dans la nuit du 16 au 17 septembre 1943, lorsqu’ils déclenchent la révolte. Après s’être débarrassé de leurs officiers allemands, arrêtés, sommairement jugés et exécutés, ils prennent le contrôle de la ville et de l’armurerie. Mais un officier parvient à s’échapper et à donner l’alerte. Les renforts nazis, dépêchés aussitôt en grand nombre de Rodez et des alentours, prennent alors au piège les jeunes révoltés, cernés et pourchassés dans la cité. La répression est impitoyable. Sous-équipés et inférieurs en nombre, la plupart sont tués au combat dans les rues de la ville ou capturés dans la journée du 17 septembre.

Si quelques-uns, et notamment deux des meneurs,  parviennent à en réchapper ou à gagner le maquis grâce à la solidarité des Villefranchois, ceux qui n’ont pas été tués les armes à la main font l’objet d’impitoyables persécutions. Les uns sont massacrés sur place, les autres sont torturés avant d’être conduits en ce lieu, où ils sont fusillés et jetés dans une fosse commune, située à l’emplacement du monument. Enfin, une partie des effectifs du 13e bataillon est déportée à Sachsenhausen et Buchenwald, dont seule une poignée survécut. On estime qu’environ 120 soldats périrent au combat ou furent fusillés à Villefranche. Redoutant l’effet dévastateur de cette révolte sur le moral de ses troupes, Himmler ordonna d’étouffer l’affaire. Mais quelques semaines plus tard Radio Londres diffusa la nouvelle.

Villefranche-de-Rouergue, lieu de mémoire

Bravant l’occupant au lendemain de ces événements malgré le risque de représailles contre la population, soupçonnée de complicité, de nombreux Villefranchois vinrent déposer des fleurs sur la tombe des jeunes martyrs. Et c’est par sa présence et sa fermeté que le maire Louis Fontanges parvint à éviter le pire pour sa ville.

En souvenir de ces événements, un monument provisoire fut érigé au lendemain de la guerre et une commémoration solennelle est organisée chaque 17 septembre depuis 1945. En 1961, le Conseil municipal rebaptisa « Avenue des Croates » la route menant au « Champ des Martyrs croates ».

Auteur de ce texte : Zvonimir FRKA-PETESIĆ  (ex-Ambassadeur de Croatie au Maroc et Chef de cabinet du 1er Ministre depuis 2017)