Dora Pejačević, née le 10 septembre 1885 à Budapest et morte le 5 mars 1923 à Munich, est une compositrice croate.Elle introduit le « lied » pour une voix avec orchestre dans la musique croate et sa « Symphonie en fa dièse mineur » est considérée par les spécialistes comme la première symphonie moderne de la musique croate.
Une aristocrate croate
Son père est un aristocrate croate, le comte Théodor Pejačević, haut fonctionnaire de l’Empire austro-hongrois et gouverneur civil de la Croatie, de la Slavonie et de la Dalmatie. Sa mère, la baronne hongroise Lilla de Vaya, est pianiste et chanteuse amateure talentueuse. Elle enseigne les balbutiements du piano à sa fille. Ils vivent dans la propriété familiale de Našice (Croatie), à l’ouest de Osijek et Đakovo, mais de fréquents voyages les mènent à travers les grands centres culturels européens : Budapest, Munich, Prague, Vienne.
En plus du piano, Dora apprend le violon, tout en développant ses talents dans les domaines de la poésie, de la peinture, du théâtre et des langues. À 12 ans, elle a une assez grande maîtrise musicale pour composer ses premières œuvres. Ses parents prennent conscience de son talent, elle reçoit alors des cours privés avec des professeurs de l’Institut croate de musique à Zagreb où elle étudie le violon, la théorie et l’instrumentation. Elle poursuit son éducation musicale à Dresde et à Munich.
Néanmoins, largement autodidacte, elle développe son talent artistique avant tout au contact de personnalités de son époque : la pianiste Alice Ripper, la peintre Clara Westhoff, les écrivains Annette Kolb, Rainer Maria Rilke, Karl Kraus et d’autres personnalités jouant un rôle de premier plan sur la scène culturelle européenne de l’époque.
Les mondes intellectuels d’Oscar Wilde, Ibsen, Dostoïevski, Thomas Mann, Schopenhauer, Rilke, Kierkegaard, Clemens Krauss et Nietzsche, ont tous eu un impact sur le développement de sa personnalité artistique. Les œuvres de tous ces écrivains, parmi d’autres, sont mentionnées dans son journal de lectures, particulièrement riche.
En 1913, Dora est la première compositrice croate, hommes et femmes confondus, à écrire et faire jouer un concerto pour piano.
L’engagement et la création
Pendant la Première Guerre Mondiale, elle s’engage comme infirmière dans son village de Našice en Croatie. Cette expérience la bouleverse et l’amène à ressentir un profond mépris pour l’aristocratie qui « ignorait les misères et souffrances de la guerre ».
C’est de cette période que date sa flamboyante et épique « Symphonie en fa mineur » (1916-1917, révisée en 1920) qui montre à la fois sa grande maîtrise de l’orchestration, une grande richesse thématique et une profonde sensibilité poétique.
Durant sa vie, ses œuvres sont fréquemment jouées, non seulement en Croatie, mais aussi à l’étranger, à Londres, Dresde, Budapest, Stockholm, Vienne et Munich. Elles sont données par certains des musiciens les plus célèbres de l’époque : les pianistes Walter Bachmann, Svetislav Stančić et Alice Ripper, les violonistes Juan Manén, Václav Huml et Zlatko Baloković, les chefs d’orchestre Oskar Nebdal et Edwin Linder et des ensembles tels que le Thoman Trio, le « Quatuor à cordes de Zagreb », l’Orchestre philarmonique de Zagreb, le Tonkünstlerorchester de Vienne et le Philharmonique de Dresde.
Brisée en plein vol
Après son mariage avec Ottomar Lümbe en 1921, elle vit à Munich. Sa carrière est brisée en plein envol : elle décède en 1923, à l’âge de 37 ans, de complications suite à la naissance de son fils Théo. Et comme pour nombreuses de ses collègues, alors que son œuvre est appréciée, admirée et jouée de son vivant, elle est tombée dans l’oubli après sa disparition. Dora Pejačević est enterrée au cimetière de Našice (Croatie).
Style
Dora Pejačević laisse 58 compositions, œuvres pour orchestre, voix et instruments, musique de chambre et piano. Son langage musical romantique tardif, enrichi d’harmonies impressionnistes, d’éléments de style expressionniste et de couleurs orchestrales somptueuses, font de Dora Pejačević une véritable enfant de « l’Art Nouveau » (Jugendstil) dans l’art pictural. Les œuvres de maturité de la compositrice sont marquées à parts égales par son enthousiasme pour la musique de Wagner et par sa maîtrise et sa virtuosité puissantes dans l’écriture de l’instrument pour lequel elle compose.
La dernière œuvre complète de Dora Pejačević reflète un vigoureux développement musical que la mort arrête net dans sa plus somptueuse floraison : nous pouvons y trouver les traces d’une recherche délibérée de sa propre expression et de son propre langage musical et rencontrer une musique originale, vécue profondément et magistralement mise en forme.
Après une série d’enregistrements par le label CPO, c’est désormais le label anglais Chandos qui nous permet de (re)découvrir sa musique orchestrale et concertante.
En mai 2022, le chef finlandais Sakari Oramo, le pianiste anglais Peter Donohoe et le BBC Symphony Orchestra ont fait paraître un superbe enregistrement consacré à la musique flamboyante, passionnée et lyrique de Dora Pejačević.
On aimerait donner aux programmateurs et programmatrices des saisons musicales des grandes institutions françaises et internationales le même conseil qu’avait donné la compositrice Dora Pejačević à son époux avant la naissance de leur fils, quelques mois avant sa mort : « Chaque talent, chaque génie, exige une considération égale et le sexe ne peut entrer en ligne de compte. »
On peut trouver la liste de ses œuvres et la discographie en cliquant ici.
N.D.L.R. : cet article reprend mot pour mot le texte Wikipedia consacré à cette artiste, ainsi que l’article de Frédérique Reibell, publié le 18 mai 2022 sur le site « Classique, Mais Pas Has Been »